Le 9 juillet enfin, deux médecins, les Peyronnel père et fils, se rendent au chevet d'un enfant de treize ans, rue Jean-Galant. Et là, tout de suite, ils comprennent : la peste ! Ces deux excellents médecins avertissent les autorités. Il faut aller vite... Le 22 juillet, un gros orage, accompagné de chaleur et d'humidité, accélère la prolifération du bacille. Bientôt, l'épidémie fait un millier de morts par jour dans la ville. Les victimes de la contagion meurent en moins de deux jours.
On mure les maisons des victimes. On poudre les cadavres de chaux... L'évêque de Marseille, Henri-François-Xavier de Belsunce de Castelmoron, se signale par son dévouement exceptionnel [il aide beaucoup à la lutte contre la peste]. Il met le palais épiscopal au service du corps médical en veillant à la propreté du linge. Lui-même parcourt les rues, assiste et secourt les malades, au mépris de la mort qui finalement l'épargnera. Le cours Belsunce et le lycée du même nom rappellent son héroïsme.
Un autre personnage, le chevalier Nicolas Roze, se détache des secouristes. Cet échevin offre la liberté à des galériens en échange de leur assistance. Sous sa conduite, les bagnards et 40 soldats volontaires s'entourent le visage de masques en tissu et enlèvent, puis incinèrent, les 8000 cadavres qui pourrissent sur la place de la Tourette et alentour.
Mais on s'est décidé trop tard à boucler Marseille, début septembre, et le bacille a pu se répandre dans l'intérieur des terres de sorte qu'il faudra encore deux années de luttes pour éradiquer la peste du Languedoc et de la Provence.
Le Grand-Saint-Antoine est remorqué sur l'île Jarre, en face des calanques, et brûlé le 26 septembre 1720 sur ordre du Régent Philippe d'Orléans (on peut encore voir ses restes). Quant au capitaine Chataud, il est emprisonné sur l'île d'If.
Après cet épisode dramatique, on n'entendra plus jamais reparler de la peste en Europe... mais les sociétés prospères du continent auront hélas d'autres occasions de découvrir que l'on n'est jamais à l'abri d'une épidémie, de la grippe espagnole au sida.